Déplacement et temps de travail au sens du Droit de l’Union européenne

drapeau europeenAfin d’harmoniser l’interprétation du Droit de l’Union européenne, les Tribunaux des pays membres peuvent – dans le cadre d’une instance en cours – solliciter auprès de la Cours de Justice de l’Union européenne (CJUE) l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union (cf. article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

C’est dans ce contexte qu’un Tribunal espagnol a sollicité auprès de la CJUE l’interprétation de l’article 2, point 1 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Cet article dispose que :

Aux fins de la présente directive, on entend par:
1. ‘temps de travail’: toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales;

En l’espèce, pour exercer leurs fonctions, des travailleurs disposaient chacun d’un téléphone portable qui leur permettait de communiquer à distance avec le bureau central situé à Madrid. Une application installée dans leur téléphone permettait à ces travailleurs de recevoir quotidiennement, la veille de leur journée de travail, une feuille de route répertoriant les différents sites qu’ils devront visiter au cours de cette journée, à l’intérieur de leur zone territoriale, ainsi que les horaires des rendez-vous avec les clients. À l’aide d’une autre application, lesdits travailleurs relevaient les données relatives aux interventions effectuées et les transmettaient à l’employeur, aux fins d’enregistrer les incidents rencontrés et les opérations effectuées.

Or, l’employeur ne décomptait pas, comme faisant partie du temps de travail, le temps de déplacement domicile-clients, considérant ainsi qu’il s’agit de temps de repos.

Ainsi la juridiction espagnole soulevait la question suivante auprès de la CJUE : L’article 2 de la directive 2003/98 doit-il être interprété en ce sens que, [lorsqu’un travailleur] qui n’a pas un lieu de travail fixe, mais doit se déplacer chaque jour de son domicile au siège d’un client de l’entreprise différent chaque jour et rentrer chez lui depuis le siège d’un autre client différent lui aussi (selon un itinéraire ou une liste que l’entreprise lui communique la veille) dans les limites d’une zone géographique plus ou moins grande dans les conditions du litige au principal, [le temps que ce travailleur] consacre à se déplacer en début et en fin de journée de travail doit être considéré comme du ‘temps de travail’, au sens de la définition qu’en donne l’article 2 de la directive ou, au contraire, doit-il être considéré comme une ‘période de repos’ ?

Pour la Cour de justice de l’Union européenne, l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens : lorsque les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, le temps de déplacement de ces travailleurs – consacré aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur – doit être considéré comme étant du temps de travail !

Rappelons que cette interprétation est également applicable en France.


 A retenir : dès lors que le salarié ne dispose pas d’un lieu de travail fixe ou habituel, l’employeur doit considérer comme relevant du temps de travail effectif – et donc le rémunérer en conséquence – le temps de déplacement entre le domicile du salarié et les sites du premier et dernier client désigné par son employeur.


Arrêt : CJUE, 10 septembre 2015, n° C-266/14

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