Sort des avantages individuels acquis en cas de dénonciation d’un accord collectif

En Droit du travail, la dénonciation est l’acte par lequel l’une ou l’autre des parties à une convention ou un accord collectif à durée indéterminée entend s’en dégager.

Aux termes de l’article L. 2261-13 du Code du travail, il est prévu que :

Lorsque la convention ou l’accord qui a été dénoncé n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ce délai.

© JumalaSika ltd - Fotolia.com

© JumalaSika ltd – Fotolia.com

Il résulte donc de ce texte, que l’employeur qui entend dénoncer un accord collectif doit, dans un délai de douze mois à compter de l’expiration du préavis, remplacer cet accord.

A défaut, les salariés pourront prétendre au maintien des avantages individuels qu’ils ont acquis, tirés de l’accord dénoncé.

Cependant, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours eu une interprétation restrictive s’agissant de la définition d’un avantage individuel acquis.

En effet, il doit s’agir d’un droit déjà ouvert, et non simplement éventuel.

En d’autres termes, cet avantage doit être continu ou cyclique, mais non hypothétique.

Et, dans une jurisprudence antérieure, la Cour de cassation avait refuser le maintien d’un avantage individuel acquis  » incompatible avec le respect par les salariés concernés de l’organisation collective du travail qui leur était applicable ».

Dans cette précédente affaire, des salariés transférés n’ont pu conserver leur pause quotidienne rémunérée chez le nouvel employeur, car cela conduisait à travailler 45 minutes de moins que le temps de travail fixé chez ce dernier (Cass. Soc., 8 juin 2011, n°09-42.807).

Le 5 novembre 2014, la Cour de cassation s’est de nouveau penchée sur la question du sort des avantages individuels acquis en cas de dénonciation d’un accord collectif.

En l’espèce, la société Doux Père Dodu et la société Doux, qui font partie de l’unité économique et sociale Doux, appliquaient la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles qui prévoyait pour les salariés soumis au travail continu qui effectuaient journellement 7 heures 30 de travail effectif, bénéficiaient d’une pause intégralement rémunérée de 30 minutes par jour.

Le 23 décembre 1999, a été conclu au sein de l’unité économique et sociale Doux Galina, dans le cadre de l’application de la loi dite Aubry I du 13 juin 1998, un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail.

En application de cet accord, les salariés étaient rémunérés sur une base de 35 heures pour 32 heures et 30 minutes de travail effectif et 2 heures et 30 minutes de pause.

L’accord a été dénoncé le 2 avril 2003, et aucun accord de substitution n’a été conclu à l’expiration du délai prévu par le code du travail.

A compter du 5 juillet 2004, les salariés ont continué à être rémunérés sur une base de 35 heures, mais pour 35 heures de travail effectif.

Les salariés ont alors fait valoir qu’en l’absence de conclusion de tout accord de substitution, l’employeur ne pouvait unilatéralement mettre un terme à la rémunération du temps de pause journalier, qu’ils analysaient en un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail, et ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de leur employeur au paiement d’un rappel de salaire et au rétablissement de la rémunération des temps de pause.

La Cour d’appel de Rennes n’a pas fait droit à la demande des salariés, estimant que le maintien de la rémunération de ces temps de pause au profit des seuls salariés qui faisaient partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord du 23 décembre 1999, serait incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées, puisqu’il impliquerait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, comme l’exigerait le caractère indivisible de l’accord dénoncé, travaillent trente minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs.

La Cour d’appel de Rennes faisait dans cette espèce application de la jurisprudence de la Cour de cassation du 8 juin 2011.

Mais, la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’appel.

En effet, la Haut juridiction a estimé que le maintien de la rémunération du temps de pause constituait pour chacun des salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord du 23 décembre 1999, non suivie d’un accord de substitution, un avantage individuel acquis.

Dans ces conditions, l’employeur devait continuer à rémunérer ce temps de pause pour les salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord du 23 décembre 1999.

Arrêt : Cass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-14.077

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>