Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : procédure accélérée

Le Sénat a adopté, le 18 juin 2014, la proposition de loi du député Thierry Braillard qui prévoit, en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, que l’affaire soit directement portée devant le Bureau de Jugement du Conseil de prud’hommes (sans avoir à passer devant le Bureau de Conciliation), et ce dernier dispose alors d’un mois pour se prononcer.

Conseil de Prud'hommes de Paris

Conseil de Prud’hommes de Paris

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est une construction prétorienne (c’est-à-dire issue de la jurisprudence), qui permet à tout salarié de rompre son contrat de travail en raison de manquements graves qu’il reproche à son employeur.

Si les griefs invoqués par le salarié à l’encontre de son employeur sont fondés, alors cette prise d’acte de la rupture du contrat de travail prendra les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. A l’inverse, si les griefs invoqués sont infondés, la prise d’acte prendra l’effet d’une démission.

Or, jusqu’à présent, pendant toute la durée de la procédure prud’homale – dont le délai peut atteindre plus de deux années dans certains conseils de prud’hommes – le salarié ne peut bénéficier de l’assurance chômage.

Pour cette raison, le législateur a inséré un nouvel article L. 1451-1 dans le Code du travail, ainsi rédigé :

Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

A titre liminaire, notons que grâce à ce nouvel article, le législateur fait entrer dans le Code du travail la notion de prise d’acte, initialement issue de la jurisprudence.

Pour autant, si l’on peut se féliciter de cette avancée majeure, deux interrogations restent en suspens.

L’absence de caractère exécutoire de droit de la décision. Ce nouvel article ne prévoit pas d’effet exécutoire de droit par provision pour la décision rendue par le Conseil de prud’hommes au visa de cet article.

Or, un appel aura pour effet immédiat de suspendre l’exécution du jugement du Conseil de prud’homme – sauf si ce dernier a décidé de son propre chef de rendre exécutoire le jugement -, et de reporter d’autant le bénéfice des allocations chômage.

Ainsi, par le biais de la procédure d’appel, le nouvel article L. 1451-1 du Code du travail perdrait la totalité de sa substance.

Afin de palier à cette carence, on peut espérer qu’un décret viendra préciser que les jugements rendus par le Conseil de Prud’hommes en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail soient « exécutoire de droit à titre provisoire », ou bien que l’UNEDIC (association chargée de la gestion de l’assurance chômage) apporte des modifications à sa réglementation.

L’absence de moyens accordés aux Conseils de prud’hommes. Cette remarque est celle d’un acteur régulier des Conseils de Prud’hommes d’Ile de France.

En effet, les délais entre la saisine et l’audience de conciliation sont déjà particulièrement longs à Paris et en région parisienne. A titre d’information ces délais sont souvent supérieurs à deux/trois mois.

Mieux encore, les délais entre le Bureau de Conciliation et le Bureau de Jugement sont horriblement longs, puisqu’ils peuvent être supérieurs à vingt-quatre mois.

La raison principale de ces longs délais résulte du simple constat suivant : un trop faible nombre de Conseillers prud’homaux et greffiers pour un bassin de salariés très important. Résultat, un engorgement massif des Conseils de prud’hommes qui n’arrivent plus à faire face au nombre sans cesse croissant des nouvelles affaires dont il doit connaître.

Or, le législateur a souhaité préciser que le Conseil de prud’hommes doit statuer dans un délai d’un mois suivant sa saisine en matière de prise d’acte.

Dans ces conditions, s’il n’est pas donné plus de moyens aux juridictions prud’homales, en particulier à Paris et en Région parisienne, il ne sera pas possible pour ces juridictions de respecter les délais fixés par le nouvel article L. 1451-1 du Code du travail.

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