Être candidat à Pékin Express (télé réalité), est un travail !

pekinexpressSelon M6, chaine de télévision qui a diffusé  « Pekin Express », ce jeu télévisé est un programme de divertissement qui n’a pas vocation à évoquer ou à cautionner le contexte géopolitique des pays traversés, quels qu’ils soient. Il permet de découvrir les cultures, les populations, les paysages et prône les valeurs d’échange et de partage entre candidats et habitants des pays traversés.

Le principe du jeu est particulièrement simple, une dizaine d’équipes constituées de deux personnes doit parcourir des milliers de kilomètres avec un budget de un euro par jour.

Mais une question s’est posée aux juges : être candidat est-ce un travail ?

Il convient de préciser que la société de production fait préalablement signer aux candidats un document intitulé « contrat de participation au jeu Pékin Express » ainsi qu’un « règlement candidats ».

Mais, six personnes ayant participé pendant l’année 2007 au tournage de l’émission audiovisuelle Pékin Express ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de rappel de salaire, dommages-intérêts et indemnités de rupture.

En effet, si être candidat est reconnu comme étant un travail, l’employeur ne peut rompre ce contrat sans respecter la procédure de licenciement prévue à cet effet.

Dans un premier temps, la société de production a soutenu qu’il s’agissait d’un contrat de jeu, et non d’un contrat de travail.

Cependant la Cour de cassation écarte cette hypothèse, et rappelle que :

  • la sélection des candidats se faisait non sur des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé, mais selon des critères subjectifs, totalement déterminés par la société, et inconnus des participants ;
  • le jeu constituait seulement une partie du contenu de l’émission, celle-ci comportant, outre des scènes de tournage des étapes et des épreuves diverses, des « interviews » sur le ressenti des candidats ;
  • des journalistes qui suivaient les participants devaient tenter de les mettre dans des situations particulières ou les inciter à retrouver d’autres candidats à certains moments précis ;
  • il était prévu que dans certains cas, les règles du jeu seraient contournées pour cadrer avec les nécessités du tournage.

Pour la Cour de cassation, tous ces éléments ne peuvent relever de la catégorie du jeu.

Dans un second temps, la société de production a critiqué la compétence des juridictions prud’homales dans cette affaire, car aucun contrat de travail ne la liait avec les candidats.

Et la société de production rappelle que l’existence d’un contrat de travail suppose l’accomplissement d’une prestation de travail, suppose également suppose une rémunération versée en contrepartie d’un travail fourni, et enfin l’existence d’un lien de subordination qui est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Une fois encore, cet argument est rejeté par la Cour de cassation, qui souligne que :

  • le règlement des candidats comportait des dispositions plaçant les participants sous l’autorité d’un « directeur de course » qui disposait d’un pouvoir de sanction ;
  • les participants se voyaient imposer des contraintes multiples, tant dans leurs comportements que relativement aux effets personnels qu’ils pouvaient garder ;
  • les participants étaient privés de tout moyen de communication avec leur environnement habituel ;
  • les règles du « jeu » pouvaient être contournées à l’initiative de la société de production pour le rendre compatible avec les impératifs du tournage ;
  • le règlement prévoyait, outre la prise en charge par la société des frais de transport, de logement et de repas, un dédommagement forfaitaire de 200 euros par couple et par jour de présence sur le lieu de tournage, versé après la fin de l’émission, et un gain de 50 000 euros ou 100 000 euros pour le couple vainqueur, ces sommes constituant en réalité la contrepartie de l’exécution d’une prestation de travail ;

Dans ces conditions, la Cour de cassation a estimé qu’était caractérisé l’existence d’une relation de travail dans un lien de subordination.

Dès lors, la société de production devait être condamnée, pour chaque candidat,  à des rappels de salaires et heures supplémentaires, des dommages et intérêts équivalant aux repos compensateurs non pris et aux congés payés afférents, et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à la remise des documents de fin de contrats de travail, et des bulletins de paie.

Arrêt : Cass. Soc. 4 février 2015, n°13-25.621

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