Le principe « non bis in idem » que je décrivais dans un précédent article, interdit pour un employeur de sanctionner disciplinairement un salarié, à deux reprises, pour les mêmes faits.
Et, a notamment la qualité de sanction disciplinaire, toute mesure prise par l’employeur, autre que les observations verbales (article L. 1331-1 du Code du travail).
Dans ce contexte, l’employeur qui adresserait un mail à un salarié pour lui faire état de reproches quant à son travail, ne pourra plus le sanctionner sur ces mêmes reproches puisqu’il n’a pas formulé d’observations verbales mais écrites, s’analysant alors comme un avertissement, ce qui constitue une sanction disciplinaire.
La question s’est alors posée de savoir si, selon le même principe, ne constituerait pas une sanction disciplinaire l’envoi par l’employeur au salarié du compte-rendu de l’entretien préalable à un licenciement sur lequel il énumère les griefs reprochés.
La réponse à cette question est lourde de conséquence.
En effet, si l’on considère que ce compte-rendu constitue une sanction disciplinaire, l’employeur qui notifie ultérieurement un licenciement sanctionne alors le salarié à deux reprises pour les mêmes faits, privant de facto de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.
En l’espèce, un salarié avait été convoqué – avec une mise à pied à titre conservatoire – pour un entretien préalable pouvant aller jusqu’à son licenciement (en l’occurrence un licenciement pour faute grave).
A l’issue de cet entretien, par courrier du 16 avril 2011, l’employeur a rappelé les griefs invoqués à l’encontre du salarié, et indiqué qu’il ne pouvait tolérer le comportement et les propos qu’il reprochait au salarié.
Puis, le 11 mai 2011, l’employeur notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.
Le salarié a saisi les juridiction prud’homales, et faisait notamment valoir qu’il avait été sanctionné à deux reprises sur les mêmes faits : par courrier du 16 avril 2011 et par la notification de licenciement du 11 mai 2011, de sorte que le licenciement se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Haute juridiction n’a pas fait droit aux arguments du salarié, estimant que le document rédigé par l’employeur le 16 avril 2011 n’est qu’un compte rendu d’un entretien au cours duquel il a énuméré divers griefs et insuffisances qu’il imputait au salarié, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner.
Dès lors, le courrier du 16 avril 2011 n’était pas une mesure disciplinaire et n’avait donc pas eu pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
A retenir : l’envoi par l’employeur d’un compte-rendu à l’issue d’un entretien préalable n’est pas anodin, et peut avoir des conséquences importantes quant à la procédure disciplinaire engagée, pouvant aller jusqu’à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement.
Bien évidemment, l’employeur peut – et doit – formuler des reproches à un salarié lors d’un entretien préalable. Il s’agit là de l’objectif premier de cet entretien : recueillir les arguments du salarié face aux reproches qui lui sont adressés.
Par la suite, l’employeur peut alors adresser un compte-rendu de l’entretien, et donc résumer les griefs reprochés au salarié.
Cependant, ce compte-rendu doit se borner à lister les manquements du salarié, tels que formulés lors de l’entretien. Toute appréciation de l’employeur quant à ces manquements pourrait s’analyser en une sanction disciplinaire (avertissement), épuisant alors la possibilité pour ce dernier de notifier ultérieurement un licenciement sur les mêmes faits.
La vigilance est de mise en matière de compte-rendu rédigé par l’employeur à l’issu d’un entretien préalable, d’autant que ce document n’est pas imposé par le Code du travail…
Arrêt : Cass. soc. 12 novembre 2015, n°14-17.615
J’ai le cas d’un employeur qui remet le jour de l’entretien préalable un écrit faisant été de griefs et qui, après avoir rappelé que ceci le conduit à envisager un licenciement pour faute, demande au salarié de lui remettre ses clefs de bureau et l’informe que son accès aux outils informatiques sont désactivés.
Dans la foulée, le salarié démissionne sans motivation et est en arrêt maladie le lendemain, contestant sa démission 6 jours plus tard en recommandé.
L’employeur lui retourne ses arrêts maladie et répond qu’il a voulu partir immédiatement, sans préavis.
Mon avis : démission équivoque car précédée d’une mise à pied disciplinaire (voire d’un licenciement pour faute grave car mesure immédiate et non limitée dans le temps…). Merci de votre avis éventuel.
Effectivement, à la seule lecture des faits que vous me décrivez la démission semble équivoque, de sorte qu’il faut demander qu’elle soit analysée comme une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
La mise à pied disciplinaire ne peut pas tenir, car s’agissant d’une sanction disciplinaire ayant un impact sur la rémunération du salarié, l’employeur devait respecter la procédure pour de telles sanctions. A défaut de mise à pied disciplinaire, peut-être a-t-elle été prononcée à titre conservatoire en perspective d’un licenciement pour faute grave.