Non bis in idem, principe de Droit pénal qui interdit de poursuivre sur les mêmes faits une personne déjà jugée définitivement, est également applicable en matière de sanction disciplinaire en Droit du travail.
Ainsi, selon ce principe, il est parfaitement impossible pour un employeur de sanctionner disciplinairement un salarié, à deux reprises, pour les mêmes faits.
Et, l’article L.1331-1 du Code du travail nous donne la définition d’une sanction disciplinaire :
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
En l’espèce, un salarié de la Poste a été licencié pour faute grave, en raison de manquements répétés aux règles de procédure : emports insuffisants, non distribution de colis éco, contre-remboursement non payés, refus de rendre ses comptes à la cabine au retour de tournée, et intrusion d’une personne étrangère au service au sein de l’agence.
Cependant, le salarié soutient qu’il aurait déjà été sanctionné pour ces faits, préalablement à son licenciement.
En effet, selon l’article 211 du texte de règlementation interne dénommé PX10, il est prévu que : « Dès qu’il a connaissance de faits susceptibles de mettre en cause le bon fonctionnement du service ou d’entraîner l’application d’une sanction, le délégataire du pouvoir disciplinaire peut faire procéder dans les meilleurs délais à l’ouverture d’une enquête. Pour la constatation immédiate des irrégularités et fautes commises par le salarié placé sous leur autorité, les chefs immédiats ont à leur disposition les procès-verbaux de constat. L’usage du procès-verbal 532 (annexe n° 2) ou de tout autre document est recommandé pour recueillir par écrit les explications du salarié. Lorsque l’enquêteur recueille les explications du salarié en cause, ce dernier doit répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées. Tout refus de s’exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction. Le procès-verbal de constat ou d’explication n’a en aucun cas valeur de sanction. Le procès-verbal de constat ou d’explication n’a en aucun cas valeur de sanction. Le salarié interrogé conserve la faculté d’apporter ultérieurement, et tout au long de la procédure disciplinaire, les précisions et explications qu’il jugerait utiles pour sa défense ».
Ainsi, selon le salarié, constituait une sanction disciplinaire au sens de l’article L.1331-1 du Code du travail, cette demande d’explications écrites mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs par l’employeur et donnant lieu à établissement de documents écrits conservés au dossier du salarié.
En conséquence, le salarié soutenait que l’employeur ne pouvait pas à nouveau le sanctionner (licenciement) pour des mêmes faits.
La Cour d’appel d’Aix en Provence n’a pas fait droit à l’argumentation du salarié, et précise que le document, établi à la suite de la demande, qui ne constitue qu’une mesure d’instruction, et qui comporte essentiellement la réponse du salarié à une question qui lui est posée, ne peut s’analyser en une sanction au sens de l’article L. 1331-1 du code du travail.
Le salarié a formé un pourvoi en cassation afin que soit tranché la question du « statut » de cette demande d’explications écrites mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautif par l’employeur.
La Haute juridiction a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence.
En effet, la Cour de cassation considère que la procédure de demande d’explications écrites en vigueur au sein de La Poste a un caractère disciplinaire, car elle avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, et pour laquelle le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui étaient posées, dont tout refus de s’exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction et que le procès verbal consignant les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci.
Or, par application du principe non bis in idem, l’employeur ne peut sanctionner un salarié à deux reprises (demande d’explications écrites + licenciement) pour les mêmes faits.
Dès lors, il n’était plus possible d’accueillir favorablement le licenciement intervenu…
Arrêt : Cass. Soc. 19 mai 2015, n°13-26.916