Séquestrer votre patron peut vous coûter un licenciement pour faute lourde

De plus en plus médiatisées, les séquestrations des dirigeants d’entreprises par les salariés peuvent pourtant caractériser une intention de nuire aux intérêts de l’entreprise pour ceux qui y participent, et en conséquence justifier leur licenciement pour faute lourde…

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Copyright Jiho

En l’espèce, un salarié a été engagé par la société Finimétal le 16 février 1977 en qualité d’agent de manutention. A la suite de l’échec de la réunion du 17 février 2010 relative à la négociation salariale, un mouvement de grève s’est déclenché au sein de cette entreprise, et s’est terminé par la signature d’un protocole de fin de grève conclu le 1er mars 2010.

Le salarié a été convoqué le 5 mars 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour des faits commis pendant le mouvement de grève, entraînant un second arrêt collectif du travail en soutien aux salariés de l’entreprise menacés de sanctions disciplinaires, et qui s’est terminé par la séquestration du Directeur des Ressources Humaines entre 11h45 et 15h30.

La salarié ayant participé à cette séquestration a reçu une nouvelle convocation à un entretien préalable le 19 mars, avec mise à pied conservatoire, puis a finalement été licencié pour faute lourde.

Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à l’annulation de son licenciement et au paiement de diverses sommes.

La Cour d’appel de Douai pour annuler le licenciement du salarié, retient deux éléments :

D’une part, elle a estimé que le mouvement de grève était licite car les menaces de sanctions de la direction à l’encontre des salariés du premier mouvement de grève avaient pu être perçues au sein de l’entreprise comme susceptibles de porter atteinte au droit de grève, de sorte que la mobilisation destinée à soutenir les salariés grévistes répondait à un intérêt collectif et professionnel.

D’autre part, la Cour d’appel a estimé que  ni les propos tenus par le salarié le 24 février 2010 lors du mouvement de grève initial, ni son attitude lors de l’entretien préalable au licenciement, ni sa participation à l’action collective du 12 mars suivant ne révélait d’intention de nuire, de sorte que la faute lourde n’était pas caractérisée.

Or, les salariés grévistes ne peuvent faire l’objet d’un licenciement, sauf faute lourde imputable à ces derniers.

En effet, l’article L.2511-1 du Code du travail dispose que :

L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.

Et, la faute lourde est appréciée de manière très restrictive par la jurisprudence, et se caractérise par l’intention de nuire à l’employeur. Lorsque la faute lourde est caractérisée, la salarié ne bénéficie pas de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis, et de l’indemnité compensatrice de congés payés, et peut également être condamné à des dommages-intérêts, raison pour laquelle la notion de faute lourde est appréciée de manière si restrictive par la jurisprudence.

Pour autant, dans cette espèce, la Cour de cassation, saisie de la question par l’employeur, n’a pas suivi l’argumentation de la Cour d’appel de Douai, et a cassé l’arrêt rendu par cette dernière.

En effet, la Cour de cassation a estimé que le salarié avait bien commis une faute lourde en participant à l’action collective au cours de laquelle le directeur des ressources humaines avait été retenu de 11 heures 45 à 15 heures 30 dans son bureau, dont il n’avait pu sortir qu’après l’évacuation par les forces de l’ordre des personnes présentes.

Arrêt : Cass. Soc. 2 juillet 2014, n°13-12.562

 

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